2014 – Cadran solaire sur le thème de l’ancienne briqueterie Delmas au quartier de Sainte-Cécile à Carmaux.
Cadran solaire situé à l’angle de la rue Saint-Saëns et la rue Pierre Brossolette à Carmaux dans le Tarn (81).
Cadran solaire vertical plan, déclinant sud-est.
Dimension 300 x 100 cm
Millésime
2014
Devise
Cueillons les souvenirs, nous n’avons à nous que le temps de leur vie.
Devise construite sur la fuite du temps.
Quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la destruction des choses, seules restent, à l’esprit, les frêles images éphémères qui fournissent la mémoire à ceux qui l’on vécu et se souviennent.
Comme le temps qui passe, les souvenirs s’effacent.
Historique
Par décrets royaux du 2 mai et du 12 septembre 1752, Louis XV autorise Gabriel de Solages et sa descendance à créer une verrerie à charbon de terre et une concession pour exploiter les mines de charbon autour de cette verrerie. Une briqueterie sera aussi créée.
Ce document marque le début de l’épopée industrielle que va connaître le carmausin. L’exploitation de son sous-sol, de plus en plus performant, va entraîner le développement d’une industrie partenaire et variée qui laissera les méthodes artisanales et traditionnelles de côté. Par nécessité, les voies de communication vont connaître un essor jamais atteint jusque-là. Elles vont sortir de l’isolement des pans entiers du territoire et favoriser les échanges commerciaux. L’ère industrielle est en marche. La ville à soif de main d’oeuvre. La demande du bâti est en continuelle croissance. Des briqueteries vont voir le jour sur tout le territoire carmausin : Blaye, Monestiés, Saint-Benoit, Salles, Valence, Valdériès, etc. Carmaux comptabilisera jusqu’à six briqueteries fonctionnant en même temps.
En moins d’un siècle la ville passera de l’état de petit village à celui d’une ville de plus de dix mille habitants.
Mais cela ne se fera pas sans incidence. L’austérité des couvertures schisteuses, apaisée par la blondeur des pisés, torchis et autres adobes des pans de mur ancestraux vont céder la place à une toute autre vision de la cité. La ville va repousser ses limites et s’envelopper d’un grand manteau rouge. A la fin du XIX e siècle, Carmaux par sa latitude, devient la première ville méridionale de Midi-Pyrénées que l’on rencontre en venant dans le grand sud depuis Rodez.
Situation
Le cadran solaire est situé sur une maison à l’angle de la rue Saint -Saëns et la rue Pierre Brossolette dans le quartier neuf de Sainte-Cécile à Carmaux. Au fond de la rue dédiée au résistant de la première heure, à quelques mètres, se trouvait il y a peu la briqueterie Delmas.
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La briqueterie Delmas (fond photographique archives municipale de Carmaux).
La briqueterie Delmas
Plan de la briqueterie dressé en 1927 (Fond Archives municipales de Carmaux)
Les archives mentionnent la briqueterie en 1870, date à laquelle le sieur Delmas Louis briquetier de son état, domicilié à Carmaux fait la demande au préfet du Tarn, de construire une briqueterie avec hauts fourneaux sur sa propriété au lieu-dit du hameau de la Salle, commune de Carmaux. Elles nous donnent une situation plus précise du lieu en ces termes : l’établissement projeté devait être construit à 110 mètres environ du faubourg de Sainte-Cécile et de la route nationale 88.
(Daniel Lodo « Gents del Segalar » AD série M1686)
La fabrique produit surtout des briques pleines pour la construction (barròts), des dalles pour le sol (pasiments), des tuiles canal et bien sur des briques foraines. Chaque fabrique avait ses matériaux et mélanges propres. La matière première venait de carrières et marnières locales, fonctionnant principalement à la mauvaise saison. La technique de fabrication est dite de la « pâte molle », gourmande en eau et demandant un séchage important, d’où la nécessité d’avoir de vastes hangars de séchage sur terre battue. Les briques, disposées sur des claies de séchage doivent être retournées en permanence pour éviter qu’elles ne se déforment (voilage). Pour une brique foraine, il faut un minimum de trois mois de séchage contrôlé à l’air libre. C’est dire la main d’œuvre qu’entraine une telle production. A la belle saison on n’hésite pas à mettre les terres crues à sécher dehors en les abritant des ardeurs du soleil et aussi de la pluie.
La belle saison est donc la période principale où l’on cuit les briques.
La fabrique Delmas est dotée de deux fours ronds à flamme renversée, et très certainement comme toutes les briqueteries de la deuxième moitié du XIXe siècle d’une filière. C’est le début de la mécanisation.
Le four à flamme renversée de la briqueterie Delmas (Fond photographique Archives Municipales de Carmaux).
Après la deuxième guerre mondiale, l’entreprise familiale Delmas sera vendue pour une courte durée au briquetier Brembilla. C’est à lui que l’on doit la frise murale de décoration représentant toutes les étapes de fabrication de la terre cuite pour le bâtiment, allant de l’exploitation des carrières d’argile, à son transport, en passant par sa transformation et sa mise en valeur dans le hall de vente de la société.
Cette briqueterie de la grande époque, sera la dernière des fabriques semi-industrielle de terre cuite pour la construction à tirer sa révérence en pays carmausin, après presque un siècle de production.
Dans les années 1960, les cheminées seront rasées et un marchand de matériaux pour le bâtiment occupera les lieux.
Il ne reste aujourd’hui de cette fabrique que la maison Delmas et le pan de mur des anciennes écuries côté rue Jean Racine (ancienne rue Verdus). C’est sur ce pan de mur que se trouvent toujours les vestiges de la frise murale qui décorait le bureau des établissements Brembilla. Le reste de cette bâtisse a été rasé et refait de neuf.
La frise a été relevée sur papier calque et archivé.
Notes personnelles
J’ai, pour ma part, participé à une des toutes dernières fabriques et fournées des établissements Reynes à Marssac, avant que ne soit définitivement fermé cette briqueterie plus que centenaire. J’ai vécu cette aventure pour réaliser les briques des ouvertures de la coopérative agricole, place Gambetta à Carmaux, dont j’ai assuré il y a une vingtaine d’années la restauration.
Après avoir réalisé les étapes ci-dessus, est venu le moment tant attendu de la cuisson. Le four est le véritable cœur d’une briqueterie. Il nous a fallu deux jours à deux pour le charger. Les plus grosses pièces en bas, les plus fragiles en haut (cette fois-là, des tuiles canal), en ayant soin de bien laisser entre chaque élément un espace pour la circulation de la chaleur. Tout en haut de la pyramide, tel un pygmalion, j’ai sur la demande de Monsieur Reynes positionné une toute petite bouteille de verre qui servira de repère pour contrôler visuellement, au travers d’un oculus, la température de cuisson. Le four, ensuite, a été fermé par une double porte bâtie en briques et les trois ceintures de fer ont été fermées et tendues. Les huit foyers périphériques ont été allumés et le début de la cuisson s’est fait avec du bois, car ce dernier fournit une chaleur plus douce, puis progressivement, le charbon de houille de Carmaux a pris la relève. La cuisson a duré 44 heures, consommée plus d’une tonne de bois et trois de charbon. Il faut nuit et jour se relayait au four pour garnir les foyers, et maintenir la température proche des 1000°..
Dans un four à flamme renversée, la chaleur monte dans un premier temps, puis est obligé de redescendre pour emprunter le conduit de fumée situé à la base centrale du four. C’est le principe de la double circulation. A l’extérieur proche du four et de part et d’autre le passage du conduit de fumée, deux fauteuils sont installés. Le premier jour, dans une marmite posée à même le sol, une daube mijotée sous l’œil attentif de Madame Reynes. Le lendemain, la maitresse de maison faisait quelques confitures.
Après refroidissement, les cerclages ont été démontés, les deux portes cassées au pic et la fournée a été sortie. J’ai récupéré mes briques et n’ai plus jamais revu ces deux remarquables personnages.
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Techniques et dessin
Cadran solaire réalisé sur support fait d’un enduit de chaux et ciment blanc. Peinture minérale de technique B du fabricant allemand « KEIM ». La facture du style polaire est en inox massif, de même que celle du style droit représentée par le diabolo obtenue par usinage mécanique.
Dessin
Le dessin est tiré, en partie, de la carte postale prêtée par les archives de la ville de Carmaux. Deux femmes donnent vie au tableau et rappellent que la main d’œuvre féminine était très importante dans les briqueteries d’avant-guerre.
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Au premier plan des briques pleines pour bâtir (barròts), protégées des ardeurs du soleil par une couverture de branchage, sèchent lentement en attendant de passer au four.
En arrière plan, le clocher de l’église Sainte-Cécile est terminé et son horloge offerte par la municipalité de Fieu, égraine le temps du quartier. La scène se déroule un peu après 1932.
Le haut du cadran est enchâssé dans une frise murale. Elle reprend au dessus de chaque ouverture de la bâtisse, certains des motifs de la frise décorative des établissement Brembilla.
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Didier Benoit.