Inventaire des cadrans solaires du Tarn.
Cadran solaire situé au Musée Vaurais de Lavaur dans le Tarn (81).
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Les cadrans solaires polyédriques du musée du pays Vaurais
L. Janin (décédé le 29 décembre 1978) de la société astronomique de France.
Le musée du pays Vaurais, offre à la curiosité du visiteur deux blocs de pierre calcaire, de dimensions analogues, taillés sur leurs faces d’une manière compliquée et, à première vue, difficile à justifier. L’un des deux blocs (hauteur 29 cm x largeur 28 x épaisseur 31) a cependant été reconnu comme étant un cadran solaire. L’autre ( 33 x 31 x 21), beaucoup plus fouillé, a été baptisé par l’imagination populaire « peyro dal Sourcié » et désigné sous l’appellation de « Pierre géométrale » ou d’ « appareil pour la taille des pierres » : ce n’est également qu’un cadran solaire.
Certains ont qualifié ces deux pièces « de curieux cadrans solaires présumés romains ». Il n’en est rien. Elles se rattachent à une tradition scientifique, architecturale et artisanale plus récente et bien établie. Aux XVII et XVIII siècles, en France, en Allemagne, en Grande Bretagne, on s’est passionné pour la fabrication de cadrans multifaces, qui vont du cube le plus simple au volume le plus compliqué. Le plus souvent, ces cadrans sont dessinés et fabriqués par des moines, car la gnomonique est en honneur dans l’enseignement des religieux. A cette époque de très nombreux ouvrages théoriques et pratiques sont publiés par des pères de différentes congrégations, des astronomes, des mathématiciens, et ils ne manquent pas de traiter, avec un grand luxe de détails et de figures, des cadrans polyédriques de toute espèce. Il ne faut donc pas s’étonner si dans les châteaux, les abbayes, les couvents, les vieilles maisons bourgeoises, on trouve encore de ces cadrans, qui ornent les terrasses, les parcs et les jardins. Mais la plupart ont été recueillis dans les musées.
L’habileté et la science du créateur de ces « monuments solaires » se mesuraient au nombre et à la variété des surfaces, planes ou non, sur lesquelles il parvenait à inscrire une graduation horaire et à faire courir une ombre indiquant l’heure. Parfois il semble jouer à dessin la difficulté, inventant des formes bizarres pour trouver un cadran original. Mais si cette virtuosité a donner des formes curieuses et souvent artistiques, elle n’allait pas de pair avec la précision : les indications de beaucoup de ces cadrans ne sont qu’approximatives. Il est vrai qu’à ces époques la vie des hommes n’était pas minutée comme de nos jours. Il suffisait de pouvoir lire l’heure solaire locale sur le cadran à un quart d’heure près.
Ces cadrans polyédriques sont, comme les cadrans plats modernes, construit sur le principe récent (XVe siècle) du style porte ombre incliné dans la direction de l’axe du monde. L’ombre donnant l’heure est produite sur certains cadrans multifaces par un style fiché sur la surface réceptrice, sur d’autres par l’arête d’un volume voisin.
Nos deux blocs utilisent les deux méthodes. La complexité apparente des nombreux cadrans qu’ils affichent se laisse ramener à quelques types classiques. Nous nous proposons de les étudier, en commençant par le bloc le plus fouillé, qui offre la plus grande diversité.
Il faut d’abord disposer convenablement ce bloc, de façon que l’orientation des cadrans de ses différentes faces réponde à leur construction.
Sur la deuxième pièce du Musée, taillée dans un calcaire plus grossier et plus usé, la plupart des cadrans sont analogues à ceux de la première pièce et peuvent être rapidement décrits.
La face sud offre de haut en bas :
- un plan polaire avec une rainure centrale où l’on voit la base d’une paroi encastrée, actuellement brisée et qui pouvait porter ombre sur deux demi-cadrans polaires supérieurs, mais dont aucune ligne horaire n’est visible ;
- un plan équatorial avec deux demi-cadrans équatoriaux inférieurs séparés par une paroi de pierre centrale, inclinée selon la latitude et portant ombre le matin sur le cadran ouest, l’après midi sur le cadran est. Pour la première fois, on relève un numérotage des heures, marqué partie sur une paroi verticale sise au-dessous, partie sur les cadrans eux-mêmes ;
- un plan horizontal qui, par la même paroi centrale, recueille les ombres sur deux demi-cadrans horizontaux où les heures sont numérotées comme ci-dessus.
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Face sud (demi cadran équatorial et demi horizontal) :
Sur la face ouest, on trouve un cadran occidental particulier, semi-cylindrique, en creux. L’arête la plus élevée , inclinée comme l’axe du cylindre selon la latitude, marque son ombre, de midi au soir, sur des lignes parallèles numérotées de I à V, les deux génératrices extérieures comptant pour midi et 6 heures.
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Cadran occidental demi cylindrique :
Sur la face est se trouve un cadran oriental identique au précédent, apte à recueillir les heures du matin à midi, muni de lignes horaires parallèles numérotées de VII à XI.
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.Cadran oriental demi cylindrique :
Sur la face nord :
- un plan équatorial avec la trace d’un style médian en pierre, qui aurait pu porter deux demi-cadrans équatoriaux supérieur ;
- deux curieuses alvéoles irrégulières, creusées sur les côtés de cette face et qui débouchent sur les faces est et ouest. Chacune est apte à recueillir les heures d’une demi-journée par l’ombre de la partie haute de son arête latérale ; sur le cadran de l’est, les heures du matin sont tracées et numérotées, de 7 à 8 sur la paroi incurvée, de 9 à 11 sur la paroi horizontale. A l’inverse, le cadran ouest sert pour l’après midi.
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Cadran solaire face nord :
L’inclinaison des différentes parois de ce deuxième bloc de cadran est, à peu près, 48°. Or c’est la latitude d’une ville comme Orléans. On ne s’explique pas cette inclinaison, sauf à imaginer un transport, peu vraisemblable, de ce bloc. En tout cas, pour donner des indications horaires valables dans la région de Lavaur, ce bloc doit être légèrement relevé du côté sud, de façon à ramener à 44°, dans la direction de l’axe du monde, l’inclinaison de ses parois.
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Au surplus, on ne possède pas de renseignements très précis sur l’origine de ces deux blocs.
La difficulté qu’on vient de signaler, pour le second, ne se pose pas pour le premier, effectivement taillé pour la région de Lavaur. On sait d’ailleurs qu’il a été trouvé dans l’Agout, au voisinage de Salle, petit hameau de Giroussens, commune distante de 10 kilomètres de Lavaur. Or, à Giroussens, a existé un très ancien château, disparu à la fin du XVIIe siècle. A une vingtaine de kilomètres de Giroussens, a existé aussi à Candeil, une abbaye fondée par saint Bernard et disparue à la révolution…
Retrouvera t-on un jour un document inédit, situant ce bloc de cadrans dans son château ou son abbaye d’origine, dont il serait le dernier vestige.
J Janin.
Présentation des cadrans solaires polyédriques.
Didier Benoit.