Cadran solaire du Tarn : Albi – Baldaquin de la cathédrale Sainte-Cécile

cadran gravé albiCadran cylindrique vertical convexe, gravé dans la pierre du baldaquin de la Cathédrale Sainte-Cécile.

Cadran solaire situé à Albi dans le Tarn (81).

 

 

Le cadran cylindrique vertical convexe, gravé dans la pierre du baldaquin de la Cathédrale Sainte-Cécile.

cadran gravé Albi

La photo ci-contre a été prise par Louis Aillaud en 1882. Elle montre le devant du baldaquin. Sur ce cliché le cadran est situé sur le pilier de droite (Sur la photo, la gauche et la droite sont inversées, pour repère, il faut prendre les statues en arrière plan. Noter au passage que le statuaire est complet). Le dessin du cadran est à peine visible sur la photo d’origine, et son tracé semble empiéter sur deux pierres seulement. L’appareillement et l’aspect des pierres sont identiques à celui d’aujourd’hui. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Situation

Ce petit cadran gravé dans la pierre se trouve sur la face méridionale du pilier ouest du baldaquin de la cathédrale Sainte-Cécile d’Albi à quatre mètres dix du sol. Il est tracé, sur un petit contrefort hémicylindrique qui scande le pilier. Il occupe une position légèrement décalée, de l’axe central plein sud, de quelques degrés. Il est donc déclinant sud-est.

Ci-dessous le cadran tel qu’il était avant l’intervention plus que douteuse de 2001.

Albi trace de polychromie

Description

À ma connaissance, il est le seul cadran « cylindrique convexe » recensé du Tarn.
Deux arcs de cercle d’environ 225°, de rayon respectif 19.2 cm et 13.5 cm, à peu près concentriques et superposés délimitent le cadran depuis le point vertical haut dans le sens de fonctionnement des aiguilles d’une montre. L’espace laissé libre entre ces deux arcs limite en partie basse les segments de droite, plus ou moins concentriques à ces derniers, des lignes de repères horaires. À l’extrémité de ces droites, en périphérie de l’arc externe, sont placés les chiffres arabes qui correspondent à ces repères, soit, 9-10-11-12-1-2-3-4. Un troisième arc de cercle, plus proche du centre, superposé et concentrique aux deux premiers, s’ouvre de part et d’autre de la ligne d’horizon (théorique) du cadran sur 180°. Le style est absent.

 

Ce vestige de cadran est gravé sur deux pierres, mais à l’origine, il l’était sur quatre. En effet les deux pierres restantes qui devaient recevoir les parties manquantes de son tracé paraissent avoir été restaurées dernièrement (probablement au début du XX siècle), à moins que ce ne soit au début de la deuxième moitié du XIX siècle, par l’architecte diocésain en place César Daly. On sait que ce dernier a remplacé beaucoup de pierres du baldaquin. Il se peut que le tracé gravé du cadran qu’elles portaient, n’ait pas été refait. À cela, plusieurs raisons : soit qu’il n’en existait plus aucune trace à cette époque-là, soit qu’ils n’ont pas jugé opportun de le refaire.

cadran gravé albi

Ci-contre le cadran tel qu’il est aujourd’hui, avec sa partie nord-ouest restituée en 2001.

Une restauration douteuse

Dernièrement, en 2001, une restauration de mauvaise qualité a été faite pour fermer le dessin de l’arc extérieur en cercle. Quant aux deux segments de cercles concentriques internes, ils ont été réunis en escargot pour une raison que j’ignore. Cette intervention, n’apporte rien au cadran et en plus, son côté neuf, nuit à l’esthétique d’ensemble

 

 

 

 

Analyse

Ce cadran n’est pas comme beaucoup l’ont écrit « un cadran solaire méridional », bien qu’il soit placé quasiment plein sud. Nous avons à faire ici à un tracé qui ne tient pas compte des lois de la gnomonique. Les segments de ces lignes horaires ne convergent pas vers le même point: ce qui est contraire au principe de la construction de ce type de cadran. De plus, la ligne de midi n’occupe pas la place de la plus grande pente, celle qui correspond à la verticale du lieu; c’est la ligne de onze heures et demie qui la remplace. Par contre, les lignes horaires sont presque symétriques de part et d’autre de la ligne des douze heures comme le veut un cadran méridional, c’est très certainement la raison qui en a fait, aux yeux de beaucoup de personnes, un cadran plein sud. Mais ici l’éventail horaire est beaucoup trop resserré. Le tracé du cadran est légèrement incliné vers la gauche par rapport à la ligne d’horizon du lieu, un peu comme s’il avait été mal positionné. Il est même curieux de constater comment le demi-arc de cercle gravé fait ressortir cette mauvaise inclinaison. La partie de son tracé qui se termine sur la pierre du haut droite matérialise bien ce défaut. Tout donne à penser que ce cadran a été réalisé par un compagnon tailleur de pierres au sol. Une mauvaise interprétation de sa position sur site par son concepteur ou une mauvaise coordination entre ce dernier et le maçon a pu amener l’erreur de placement. Mais, quand on voit le peu d’intérêt porté à la cohérence du tracé, on doit admettre que le but recherché n’était pas celui de la réalisation d’un cadran solaire tenant compte des lois connues de la gnomonique à cette époque-là. Quant à une réalisation du cadran une fois les pierres en place, il devient difficile d’argumenter les erreurs de position par rapport au sud et celles de l’horizontalité et de la verticalité du tracé, mais cela ne reste pas impossible.

cadran gravé Albi

Sur la photo-ci contre, prise dans les années 1970, on voit le cadran tel qu’il était avant la dernière restauration du baldaquin.

Les deux pierres qui portent le cadran sont beaucoup plus noires que celles restaurées au début du XX siècle, ou au début de la seconde moitié du XIX siècle.

Les lignes horaires sur un plan-convexe sont des courbes exceptées celle de midi. Pour chaque ligne, il faut calculer une multitude de points. Ici pour simplifier, ce sont des segments de droite qui occupent ces lignes. Pour pouvoir atteindre ces segments, l’ombre doit être issue d’un style polaire infini, un style droit calculé pour ce cadran ne peut fonctionner qu’à la belle saison, proche du solstice d’été. En fait, le créateur de ce cadran ne se souciait pas de la recherche d’une mesure du temps comme nous l’interprétons. Nous avons à faire ici à un cadran qui fonctionne suivant le principe des cadrans de prières. Une longue tige droite illimitée sert de style. Le passage de son ombre sur les repères donne l’information décidée par son créateur et comme toute information, juste ou fausse, si elle se trouve acceptée comme correcte par les usagers, le devient par la force des choses.

 

 

 

cadran gravé Albi trace de polychromie

Des traces de polychromie sont très visibles sur cette photo prise avant le nettoyage des pierres du baldaquin.

 

 

 

 

 

 

 

 

Une polychromie qui garde ses secrets

Des couleurs, autrefois, décoraient ce cadran solaire. Avaient-elles un simple rôle d’esthétique en soulignant certaines parties du cadran solaire, ou bien, comme nombreux d’entre nous le pensent, offraient-elles aux travers de motifs peints, des informations supplémentaires dont nous ignorons tout?

Aujourd’hui, la question se pose sur les décorations murales qui pouvaient agrémenter la lecture des horloges primitives. Non loin d’Albi, la polychromie bien visible de l’ensemble des canoniaux de Saint-Michel de Lescure interpelle toujours.

Pour conclure

La facture de ce petit cadran et principalement le style d’écriture employé sont ceux d’une réalisation du XVI siècle. Il date de la construction du baldaquin, entre 1510 et 1530. Ce siècle correspond à la période charnière, en gnomonique, entre la fin de la suprématie des cadrans solaires canoniaux et le début de l’utilisation des cadrans solaires d’angles horaires. Entre ces deux familles de cadrans solaires, nous trouvons, pour une courte durée, celle des post-canoniaux.

Didier Benoit.