Cadran solaire du Tarn : Andillac – Métairie du domaine du Cayla cadran oriental

Le Cayla oriental cadran fini RRestauration du cadran solaire oriental de la Métairie du Domaine du Cayla, datant de la fin du XVIIIe siècle.

Cadran solaire situé à Andillac dans le Tarn (81).

 

 

Dimensions 127 cm de haut x 104 cm de large

Maison natale des poètes romantiques Maurice et Eugénie de Guerrin. Le domaine du Cayla est musée départemental du Tarn. 

Cadran solaire restauration Benoit Andillac Tarn.Petit historique

Ce cadran solaire date de la fin du XVIIIe siècle. Le Baron Edmond de Rivières nous donne la date de sa création « 1772 » dans son livre « Inscriptions et devises horaire », ainsi que sa devise.

Cadran solaire oriental gros plan avant restauration

Facture

La table du  cadran a été dressée dans un premier temps à l’aide d’un enduit de chaux et sable grossier de rivière, « l’arricio ». Son épaisseur varie de 3 à 6 centimètres selon la profondeur des joints de pierres qu’elles recouvrent. Sur l’enduit encore frais, le cadranier a gravé à l’aide d’une pointe, le tracé mathématique de son cadran solaire et quelques repères de décoration. Cette particularité que l’on retrouve sur nombre de cadrans solaires de notre région  à permis de conserver intact, malgré la forte usure du temps, les tracés gnomoniques de nos vieux indicateurs horaires, mais aussi pour beaucoup d’entre eux l’existence d’éléments de décoration. Une fois la couche de fond prise, le cadranier a déposé une fine couche d’enduit de chaux et de sable très fin, voire de la poudre de pierre, « l’intonaco ». Etant très fine, cette préparation une fois étalée sur toute la surface de la table du cadran, laisse voir, par transparence, le tracé gravé sous-jacent. Avant que la prise de « l’intonaco » ne soit totale, l’artiste a déposé, à l’aide d’une fine brosse, des pigments dilués dans un lait de chaux en recouvrement de chaque tracé.

Inspection

La table du cadran solaire,  après sondage, est très cohérente : aucune zone ne sonne creux. Des impacts légers dus à des chocs marquent la table. L’enduit de fond (intonaco) est très effacé, presque inexistant. Aucune colonisation de micro-organismes n’est visible. L’enduit primaire laisse apparaître le tracé mathématique du cadran solaire. Le style en fer forgé est absent. De légères traces de pigmentation renseignent sur les couleurs misent en œuvre lors de la dernière restauration. Les dimensions de la table sont 127 cm de haut  pour 104 cm de large.

Cadran solaire restauration Benoit Andillac Tarn.Investigation

Le premier juin 2011, un relevé grandeur nature a été fait sur papier cristal. Une recherche pigmentaire s’en est suivie et a permis de découvrir l’emplacement du millésime et de la devise, celui du liseré périphérique mais, surtout, à mis à jour l’existence d’un chiffrage Romain et sa position. Un motif solaire (ou étoile ?) de décoration a été découvert sur le haut droit de la table.

Relevé sur papier cristal

Reconstitution du cadran solaire  sur papier d’après le relevé et découvertes

Les traces relevées sur site ont permis de comprendre le principe de construction mathématique de ce cadran solaire. Comparé à une étude moderne, tout concorde, à la virgule près selon l’expression..

Le tracé est celui d’un cadran solaire oriental fait pour une déclinaison de mur  de -90°.

Un seul petit défaut a été découvert au niveau du report de l’angle de latitude.

La latitude

L’angle d’inclinaison de la droite équatoriale sur la ligne d’horizon doit, pour un cadran oriental, correspondre à la latitude du lieu. Ici, la valeur de latitude prise est de 42°, pour 43.997° réels. Erreur facilement compréhensible pour l’époque et qui n’apporte pas beaucoup  de désagrément pour la lecture des heures au Cayla en 1772.

Lors de la restitution du cadran solaire en 2013, la valeur de 42° a été conservée.

Cadran solaire restauration Benoit Andillac Tarn.

Reconstitution du cadran solaire oriental du Cayla Juillet 2013 sur papier fibre de verre.

Les chiffres romains ont été positionnés à partir du chiffre dévoilé lors de l’investigation. La pigne de pin de décoration est ici, pour cette maquette, un exemple pris sur un cadran de Cesteyrol et faisant parti de l’appareil existant local. Pour le Cayla, deux soleils occuperont le haut de la table.

Relevé de déclinaison du mur oriental (?) de la métairie

Déclinaison gnomonique du mur sud-est de la métairie du domaine du Cayla

Après relevé d’angles sur site et calcul, la déclinaison réelle du mur par rapport au sud compté 0° est de -63.11°, soit une erreur de calcul pour le tracé mathématique du cadran sud-ouest de la métairie de 26.89°.

Cette erreur d’appréciation, ou de mesure par notre cadranier du XVIII* siècle va entraîner une modification sur la forme du style porte-ombre. Un  style polaire pour cadran oriental (déclinaison -90°) ne peut pas chevaucher les droites horaires calculées pour une déclinaison de -63.11°.

Pour remédier à ce problème, le  style polaire ne sera pas représenté sur le cadran restitué. Seul le style droit avec une protubérance à son extrémité sera mis en place. Sa simplicité de lecture permettra de cacher en grande partie l’erreur de construction des heures de cet indicateur du temps. Pour les lignes qui leurs sont parallèles, cela sera plus compliqué. En raison de l’erreur de déclinaison qui est importante (26.89°), le style droit ne pourra pas atteindre de son ombre la ligne la plus haute.

A l’opposé, son ombre ira au-delà de la limite de la ligne  la plus basse. Quant à la ligne équatoriale centrale elle ne sera jamais chevauchée par l’ombre du style le jour des équinoxes de printemps et d’automne.

* Il se peut aussi que les vestiges de ce cadran soit celles d’une restauration plus tardive.

Deux droites parallèles de part et d’autre de la droite équatoriale

Sur le cadran solaire sud-est du domaine du Cayla deux droites parallèles à la droite équatoriale matérialise ce qu’on pourrait prendre dans un premier temps pour des points extrêmes de déclinaison du soleil au moment des solstices. Il n’en est rien.

 En projection gnomonique, les cercles perpendiculaires à l’axe de rotation de la Terre (les parallèles géographiques), excepté le cercle équatorial se projettent sur la table d’un cadran solaire, qu’il soit vertical, incliné ou horizontal en formant des hyperboles.

Ces deux droites sont donc une aberration gnomonique et ne trouve aucune explication mathématique dans leur construction. Ici, le cadranier c’est joué des lois de la gnomonique, et l’improvisation artistique est à l’origine de son tracé.

Ce qui interpelle dans la construction de ces deux droites est qu’elles sont situées à une distance depuis la droite équatoriale qui correspond à la déclinaison du soleil de +17° et – 17 ° pour la ligne horaire de 11 heures (h-15), ligne horaire extrême de ce cadran solaire. Au-delà, la projection de l’ombre du style se rejette à l’infini. En amont, aucune autre ligne horaire ne peut être prise pour la construction mathématique de ces deux droites.

La similitude des chiffres de déclinaison n’entraine pas une distance identique de ces deux points de droites sur l’équatoriale. Pour la déclinaison de +17° elle est de 202 mm et pour celle de -17° elle est de 239 mm. Distance que le cadranier du XVIII siècle ou plus vraisemblablement celui qui va intervenir en restauration, quelques décennies plus tard, va respecter lors de son tracé. Ceci explique pourquoi il n’y a pas de symétrie entre la partie au dessus de l’équatoriale et celle situé en dessous.

Lorsque le hasard et l’histoire s’en mêle

Maurice : déclinaison du soleil le 04 août  jour de sa naissance +17°*

Distance du point extrême de l’hyperbole depuis l’équatoriale pour ce jour portée sur le cadran solaire du Cayla avant restitution: 203mm

Eugénie : déclinaison du soleil le 29 janvier jour de sa naissance -17°

Distance du point extrême de l’hyperbole depuis l’équatoriale pour ce jour portée sur le cadran solaire du Cayla avant restitution: 238mm

*Augmenter ou diminuer de 0.5 degré les valeurs de la déclinaison du soleil entraîne une réduction ou augmentation significative des distances qui nous éloignent des dates concernées.

Cadran solaire restauration Benoit Andillac Tarn.

Le cadran restitué avant et après vieillissement demandé par les architectes des bâtiments de France.

Pour conclure

Lorsque le baron Edmond de Rivières se rend au Cayla vers 1880, il relève la devise horaire et le millésime du cadran solaire sud-est. Il  ne relève rien sur les deux autres, leur état de ruine étant trop avancé. De part son exposition, le cadran du levant de la métairie est celui qui est le moins agressé des trois  par les conditions climatiques, mais aussi, et surtout, par les eaux météorites venant des toits. Sa durée de vie en est largement augmentée.

Autrefois, les cadrans solaires et principalement leur tracé étaient entretenus. C’est ce qui explique aujourd’hui la richesse du  patrimoine gnomonique de notre pays.

On peut, avec certitude, avancer que l’ensemble gnomonique du Cayla a été, dans les premières décennies du XIX eme siècle, restauré. Il reste cependant à expliquer comment la restauration d’un cadran solaire dont la table est en place depuis un demi-siècle, s’est retrouvée gravée dans sa masse d’un tracé dont la seule construction mathématique compréhensible trouve ses origines dans deux dates exceptionnelles concernant les enfants des propriétaires des lieux.

Là se trouve l’énigme du Cayla que l’histoire aura beaucoup de mal à résoudre.

Didier Benoit.