2012 – Cadran solaire sur le thème des journées Européennes du patrimoine des 17 et 18 septembre 2012.
Cadran solaire situé rue Léon Jouhaux à Carmaux dans le Tarn (81).
Millésime
2012
Devise française
Toute heure colore l’image mobile du temps et fixera l’immobilité de l’éternité.
Techniques
Cadran solaire réalisé sur support fait d’un enduit de chaux et ciment. Peinture minérale de technique B du fabricant allemand « KEIM ».
La facture du style polaire est en inox massif, de même que celle du style droit représentée par la boule obtenue par usinage mécanique.
Dressage de la table du cadran solaire à l’enduit de chaux.
Thème
(Sur les journées Européennes du patrimoine des 17 et 18 septembre 2012 – « Invitation à la curiosité et à la découverte des patrimoines cachés. Franchir les portes habituellement fermées, ouvrir les coulisses, pénétrer les archives, descendre dans les sous sol, gagner les hauteurs, apprécier le travail de tout ceux et celles qui œuvrent pour que le patrimoine demeure un bien commun, admirer ce qui est peu ou jamais exposé ou ce qui toujours présent se cache à notre vue »).
Je vous invite de mon côté à ouvrir, l’espace d’un instant, les portes de la fabuleuse histoire de la conquête du temps à travers les différents types d’heures utilisés depuis la haute antiquité. Cette chose omniprésente dans notre vie qui ne se voit pas, ne se touche pas, ne se sent pas, qui passe et sur laquelle depuis plus de trois millénaires l’homme grave son histoire. Les heures égrénent et colorent sur le cadran solaire le temps, ce temps dont Platon disait qu’il est l’image mobile de l’éternité.
Quatre types d’heures sont représentés sur la table de ce cadran solaire.
Les heures antiques :
Au quatrième siècle av JC, la division duodécimale de la journée de lumière apparaît sur un type nouveau de cadran solaire (1), l’hémisphérium. Il permet à partir d’observations astronomiques de donner des heures variables en fonction de la durée des jours liées aux différentes déclinaisons du soleil aux cours des saisons. Sous nos latitudes cette durée varie de 40 de nos minutes en hiver à 80 minutes en été. Ce type d’heures porte le nom d’heures antiques, bibliques, judaïques, romaines, heures inégales ou encore heures temporaires. Ce sont ces heures qui ont vu la mort du Christ et sur lesquelles l’église de Rome égrènera son temps médiéval. Avec elle débute la formidable aventure de la maitrise du temps. L’empire du Japon utilisera ces heures jusqu’à la fin du XIX siècle. Sur le cadran solaire de la rue Léon Jouhaux elles sont représentées par les lignes et chiffres romains VIII – IX – X – XI – XII de couleur verte. Lorsque l’ombre de la boule du style droit chevauche une de ces lignes, on connaît l’heure antique en cours. Le style polaire ne peut pas recouvrir les lignes horaires antiques de son ombre car elles ne convergent pas vers son point d’implantation.
Les heures babyloniques :
Les habitants de l’ancienne Babylone, auxquels nous devons avec les Egyptiens, la division du jour en 24 heures, avaient l’habitude de compter les heures à partir du lever du Soleil. Les heures babyloniques indiquent donc depuis combien de temps le soleil est levé. Ce système de mesure du temps s’est conservé fort longtemps en Grèce, aux Baléares, en Allemagne et en pays souabe. Sur le cadran solaire elles sont représentées par les lignes et chiffres arabes 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14 de couleur orange. Lorsque l’ombre de la boule du style droit chevauche une de ces lignes, on connaît depuis combien de temps le soleil est levé. Le style polaire ne peut pas recouvrir les lignes horaires babyloniques de son ombre car elles ne convergent pas vers son point d’implantation.
Les heures italiques :
Les Italiens du Moyen-Age avaient coutume de compter les heures du nouveau jour en commençant avec le coucher du soleil. Les heures italiques sont donc les vingt quatre heures du jour naturel que l’on compte entre deux couchers de soleil consécutifs. Cette manière de marquer le temps était en usage autrefois chez les Juifs. Aux temps biblique et apostolique, le coucher du soleil marquait la fin du jour et le commencement du suivant. Au Xe siècle, l’Eglise reprendra ce concept et débutera sa journée liturgique avec le coucher du soleil au moment des vêpres. Le monde a été créé à partir des ténèbres selon Moïse : « Il y eut un soir, il y eut un matin, jour un ». Chaque jour au moment du coucher du soleil est repris la succession de la Genèse. L’usage des heures italiques s’est établi tardivement en Allemagne et en pays souabe. Sur le cadran solaire elles sont représentées par les lignes et chiffres arabes 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24 de couleur noir. Lorsque l’ombre de la boule du style droit chevauche une de ces lignes, on connaît depuis combien d’heures le soleil de la veille est couché, et par simple calcul combien de temps il reste avant son coucher. Le style polaire ne peut pas recouvrir les lignes horaires italiques de son ombre car elles ne convergent pas vers son point d’implantation.
Les heures égales:
Dites « équinoxiales » ce sont les heures indiquées par le cadran solaire et ayant une durée de 60 de nos minutes. Selon les époques, les heures étaient comptées depuis midi ou minuit. En gnomonique, les angles horaires se comptent depuis midi, alors que le jour civil commence à minuit et est compté de 0 à 24 heures, après avoir été longtemps divisé en deux tranches de 12 heures. Sur le cadran solaire elles sont représentées par les lignes et chiffres arabes 14, 15, 16, 17, 18, 19 de couleur bleu. Les lignes des demi-heures sont matérialisées en pointillés. Lorsque l’ombre totale du style polaire chevauche une de ces lignes, on connaît l’heure solaire en cours. Lorsque la boule du style droit chevauche une des deux hyperboles des solstices d’hiver et d’été ou la droite équinoxiale, toutes trois représentées sur le cadran solaire en pointillés de couleur rouge, on sait que l’on est soit le 21 décembre, le 21 juin ou pour les équinoxes le 20 mars, le 23 septembre.
Pour des raisons de clarté de lecture, j’ai volontairement écarté la construction des heures universelles (TU), celles du temps l égal de nos montres.
Notes sur la lecture des heures babyloniques et italiques:
En comparant, en tout point du cadran, la valeur de l’heure babylonique et celle de l’heure italique, on connaît alors la valeur de la durée du jour pour l’arc passant par ce point, qu’il y ait ou non du soleil. Exemple: On considère le nœud formé sur la droite équinoxiale en pointillé rouge par la ligne babylonique 8, italique 20, antique IX et solaire 14. Le soleil est couché depuis 20 heures italiques, il est levé depuis 8 heures babyloniques. Dans quatre heures le soleil se couche à nouveau. La durée du jour de lumière est donc égal à 4 heures plus 8 heures soit 12 heures. Nous sommes le jour de l’équinoxe de printemps ou d’automne, la nuit égale bien le jour.
Et demain quelle heure?
Aujourd’hui l’humanité annonce son souhait de s’affranchir des jalons de la mécanique céleste en créant un temps entièrement artificiel dépourvu de toutes secondes intercalaires nuisibles à sa frénétique course en avant. Ce type d’heure va entrainer un calcul nouveau d’un tout autre genre, sans rapport avec l’observation astronomique. L’heure est devenue affaire des astrophysiciens, nos ordinateurs demandent toujours plus de précision. Avec ce temps nouveau, nos cadrans solaires ne peuvent plus rivaliser. Mais gardons qu’ils peuvent se prévaloir d’un riche passé pesant plusieurs millénaires. Puisse nos horloges atomiques actuelles et les inventions à venir durer aussi longtemps.
Mais qui sait, demain ! Un cadran solaire ? …
Dessin
Symbole d’immortalité. Une nymphe tient la corne d’Amalthée d’où jaillit la source inépuisable du temps qui passe. En arrière plan, un arbre étale ses branches de vie.
Didier Benoit.