La plus vieille composition gnomonique au monde.
Cadrans solaires jumeaux situés sur le baldaquin de la Cathédrale Sainte Cécile d’Albi dans le Tarn (81).
Les cadrans solaires jumeaux du baldaquin de la cathédrale Sainte Cécile d’Albi.
La cathédrale Sainte Cécile possède une composition gnomonique unique au monde. Il s’agit de deux cadrans solaires jumeaux datés de 1658 et peints sur les faces intérieures des deux piliers du baldaquin. Leur grande dimension hors décors: 173 cm par 320cm en font des géants de la gnomonique ancienne. Orientés à l’est pour l’un et à l’ouest pour l’autre, ces cadrans se partagent parfaitement les heures de la journée. Leur tracé mathématique strictement symétrique en fait de véritables jumeaux, semblables en cela aux héros de la mythologie grecque Castor et Pollux, qui se répartissaient aussi le temps de façon égale. L’exposition unique de l’entrée de la cathédrale, l’orientation et la nudité des faces internes des piliers, les savoirs cosmographique, religieux et philosophique de leur auteur seront les facteurs déterminants qui donneront naissance à ce chef d’œuvre. Le choix des fils Tyndare mis en scène dans ce jeu mathématique solaire devient l’image des valeurs prônées par l’Eglise : sacrifice, partage, amour fraternel, volonté de sauver les âmes en détresse, invitation à méditer sur les thèmes de la vie et de la mort.
Pollux
Face à l’est, Pollux décoré d’une croix pattée, regarde le soleil levant, symbole du Christ ressuscité et de la vie éternelle. Un décor peint, le coiffe et laisse voir un ange d’allégresse musicien tenant un phylactère indiquant sa latitude et son orientation. Une devise latine partagée entre les deux cadrans fait référence aux célèbres jumeaux et aux valeurs de l’église de Rome.
TYNDARIDAE ALTERNIS FRATES VIXERE DIEB AT NOBIS VITAM DIVIDIT UNA DIES.
(Les frère Tyndarides vivaient les jours de façon alternée, tandis que pour nous, un seul jour tranche la vie).
Castor
Face à l’ouest Castor décoré d’un batracien très effacé regarde le soleil couchant, symbole du monde de la mort. Un décor peint, en couronnement, laisse voir un ange tendant la main dans un ultime recours. Il tient lui aussi un phylactère indiquant sa latitude et son orientation, mais des restaurations antérieures ont faussé ces données. Il porte la fin de la devise.
MUTUA SIC HOMINES UTINA COCORDIA JUGAT UT SIBI PARTIRI COMODA CUCTA VELINT.
(Puisse une concorde mutuelle unir entre eux les hommes, pour qu’ils veuillent se partager tous les biens de ce monde).
En 2009, des travaux de restauration ont sorti Castor et Pollux du sommeil de pierre dans lequel ils étaient plongés depuis la Révolution française, époque trouble de leur mutilation. Seule la partie gnomonique a été touchée par cette action, leurs décors ont été laissés de côté. Aujourd’hui, les cadrans donnent la lecture des heures solaires à Albi, indiquent les saisons, le calendrier zodiacal, les mois. Par leur devise et décor, ils invitent à la méditation.
La restauration de 1760 s’est faite en reportant un nombre important d’erreurs, sur les cadrans solaires, dues certainement à un grand effacement des dessins d’origine. La date de 1658 est confirmée grâce aux dernières recherches de l’historien albigeois Olivier Cabaye, qui a découvert un manuscrit issu des archives du chapitre de la Cathédrale d’ Albi mentionnant le paiement de ces deux montres solaires.
Extrait de la page du manuscrit.
Le nom du peintre est Bordelet, c’est lui qu’on trouve aussi au consulat d’Albi quand il faut peindre les armoiries. La somme de 22 livres nous dit l’historien n’a rien d’exceptionnel, à titre de comparaison, le même chapitre dépensait 60 livres pour faire venir un musicien pour les fêtes de Sainte-Cécile. Mais il est plus que probable que cette somme d’argent ne concerne que la partie peinte (décorée) des cadrans solaires. Les parties mathématique, scientifique et philosophique de l’oeuvre, ainsi que sa facture ne lui reviennent pas.
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En 2009, la décision sera prise de reprendre la restauration des deux cadrans solaires.
Voir la fiche complète de la restauration de ces cadrans solaires
Didier Benoit.