Restauration du cadran solaire du Domaine de la Verrerie, datant de 1755.
Cadran solaire situé à Carmaux dans le Tarn (81).
Le domaine de la Verrerie à Carmaux et son cadran solaire.
Dimension 230 cm de haut x 200 cm de large
Historique
Par décrets royaux du 2 mai et du 12 septembre 1752, Louis XV autorise Gabriel de Solages et sa descendance à créer une verrerie à bouteilles et une concession pour exploiter les mines de charbon autour de cette verrerie. Entre 1752 et 1754, la verrerie royale de Carmaux avec ses dépendances (maisons de verriers et de direction, stockage, puits d’extraction etc….) verra le jour. Une briqueterie sera aussi créée. A partir de 1755, Gabriel de Solages et son épouse Marie de Julliot de Longchamps s’installent dans une gentilhommière qu’ils viennent de faire construire et qui intègre le nouvel ensemble de fabrique. Le pigeonnier qui porte le cadran solaire date de cette époque là, et a logiquement été construit dans la continuité de cet ensemble de production d’avant-garde.
Le tracé mathématique de ce cadran solaire, interprété à partir de la photo ci-dessus, emmène les personnes averties à la science gnomonique, à la création d’un instrument de précision. Il a été conçu pour le personnel privé et professionnel du lieu, et pour attraper la fuite du temps que les horloges du domaine ne savaient encore maîtriser. Nous avons donc là, la quasi certitude, qu’un cadran solaire a été dès l’origine de la verrerie mis en place pour participer à la gestion du temps de la production humaine; ce même temps maîtrisé qui ouvrira, dans les décennies à venir, le chemin de la révolution industrielle.
Le pigeonnier aujourd’hui est amputé de la partie septentrionale de son bâti. On peut voir sur le plan du XVIIIème siècle reproduit sur la façade opposée à celle qui porte le cadran solaire l’implantation de la fabrique avec toutes ses dépendances au moment de sa création. Pour l’histoire, le château représenté sur le dessin prendra la place de la gentilhommière quelques temps après la naissance de la fabrique.
Le cadran solaire du Domaine de la Verrerie à la fin du XIX siècle & Le cadran solaire restitué.
Cadran solaire
Ce cadran solaire a été répertorié dans la deuxième moitié du XIXème siècle par le Baron Edmond de Rivières, éminent archéologue tarnais natif d’Albi, à qui l’on doit les premiers recensements des cadrans solaires de France. Dans son livre «Inscription et devises horaires de 1885 » il cite : Au domaine du Marquis de Carmaux un cadran solaire avec sa devise UMBRA REGIT. La photo ci-dessus qui date du début du XXème apporte un complément d’informations inespéré sur lequel va pouvoir s’appuyer sa restitution. La vue de ce cadran solaire est exceptionnelle de clarté. Comme on peut le voir sur la photo, la table du cadran est grande (les pierres d’angles encore visibles de nos jours servent de jalons). Cette table est positionnée basse sur le pigeonnier afin que la corniche de la toiture ne nuise pas à son éclairage en été. Le style en fer forgé est puissant. Une protubérance termine son extrémité. Les lignes des heures et des demi-heures partent toutes de son point d’implantation. Le centre de cet indicateur du temps semble porter une tête radiée qui figure l’astre du jour ; dont les lignes simulent les rayons. Aux extrémités des droites des heures, dans un bandeau délimité par deux liserés, se lient les chiffres arabes 8, 9, 10, 11, 12, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 puis, au dessus, dans l’espace laissé libre entre le pied du style et le bandeau supérieur l’emplacement de deux mots à peine perceptibles: UMBRA REGIT, que le baron de Rivières nous dévoile dans son mémoire. Sur la table, la palette des couleurs se limite aujourd’hui à l’interprétation des teintes saturées. Tous les composants majeurs de cet indicateur du temps nous sont donc connus, excepté le millésime dont une ombre suggère l’emplacement entre les deux mots de la devise.
Son chiffrage de type « arabes » interpelle. La gnomonique du XVIIIème siècle se nourrit de chiffres romains et médite sur des devises latines. Sur le cadran solaire de la verrerie seule la devise est conforme aux usages de l’époque. Elle marque son appartenance à la religion de l’église de Rome dont le siècle est tout imprégné. « Umbras umbra regit, pulvis et umbra sumus » ; l’ombre dirige nos ombres, nous ne sommes qu’ombre et poussière. Son origine est à rapprocher de la Genèse, III,19. Encore une fois notre condition de mortel nous est rappelée. Le chiffrage arabe trouve ici son sens dans une lecture vulgaire. Il n’est pas un cas isolé dans la gnomonique tarnaise.
Note : Le millésime, en partie effacé, porté aujourd’hui sur le cadran solaire restitué est de mon interprétation, car la date précise de la décennie qui a vu sa création ne nous est pas connue. Saint Hildevert me pardonnera cette liberté.
Ce cadran solaire de facture académique est la réalisation d’un cadranier professionnel. La disposition et netteté du tracé mathématique analysé sur la photo, laissent présager une table légèrement déclinante sud-ouest, ce qui s’est avéré exact après vérification. Dans la pure tradition gnomonique de notre région, ce cadran solaire est réalisé sur un corps d’enduit de chaux selon la technique ancestrale du travail de la fresque. Ce cadran a disparu de nos jours. J’ai rencontré une seule difficulté, la ligne horaire de 2h 30. Pour des raisons historiques, je l’ai laissée telle que le cadranier l’avait calculée.
Recherche avec les membres de l’association Histoire et Patrimoine du Carmausin des traces de l’ancien cadran solaire. Pierre Rabaud à l’oeuvre.
Notes
Nous avons avec l’association Histoire et Patrimoine du Carmausin cherché dans le corps d’enduit les restes d’éventuels vestiges de l’ancien cadran solaire. Nous n’avons rien trouvé. En 1968, le crépi du pigeonnier ainsi que celui de château ont été entièrement refaits et les maçons ont piqué les murs à la pierre.
Didier Benoit.